Afin de mieux protéger les dirigeants contre les risques d’agressions physiques, de harcèlement ou de cyberattaques, il leur est désormais possible de demander la confidentialité des informations relatives à leur domicile personnel.
Les enlèvements contre rançon se sont dramatiquement multipliés ces derniers mois, touchant des dirigeants d’entreprises de cryptomonnaies et leur entourage proche. Cette actualité a mis en lumière une revendication portée par de nombreux chefs d’entreprise : assurer une plus grande confidentialité de leurs informations personnelles.
Des données confidentielles librement accessibles
Statuts, pactes d’actionnaires, cessions de parts, de très nombreux documents faisant figurer leur adresse personnelle sont en effet chaque année communiqués au Registre national des entreprises (RNE) au Registre du commerce et des sociétés (RCS), à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), ou encore aux greffiers des tribunaux de commerce et des tribunaux judiciaires statuant en matière commerciale. Les bases de données numériques délivrent ces informations sur Internet en accès libre et entrainent une large diffusion à des données relevant de la vie privée de ces dirigeants.
Une solution d’équilibre
Ces demandes croissantes de confidentialité des dirigeants se heurtent cependant aux impératifs de transparence indispensable au bon fonctionnement de la vie économique. Afin de parvenir à une solution équilibrée, le législateur a choisi une position médiane. Les dirigeants continuent à devoir communiquer leur adresse personnelle. Cependant, depuis le 24 août 2025, un décret [1] leur permet de demander à ce que leur adresse personnelle ne figure pas sur leurs documents sociaux. Ces données restent en revanche accessibles à une liste limitée de personnes ou d’administrations.
Les dirigeants et entreprises concernés
Cette possibilité est offerte à l’ensemble des personnes physiques mentionnées à l’article R. 123-54 du Code de commerce : gérants, présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du directoire, associés de société civile, etc. Les liquidateurs ne bénéficient pas de cette mesure de protection. Elle concerne les associés indéfiniment responsables des sociétés immatriculées au Registre du commerce et des sociétés (RCS). Ainsi, les dirigeants de groupement d’intérêt économique (GIE) sont exclus du champ d’application de cette réforme.
La demande d’occultation en pratique
La demande d’occultation s’effectue via le guichet unique de l’INPI. Le décret prévoit un délai maximal de cinq jours ouvrables pour le traitement de la demande par le greffier. Cette demande peut s’effectuer à l’occasion du dépôt d’un acte au RCS comme une immatriculation, une modification ou une radiation : la demande d’occultation est alors gratuite. La demande peut également intervenir indépendamment de toute formalité au RCS, pour des actes déjà déposés comme des statuts ; des frais spécifiques modiques sont applicables. Une version occultée du document est fournie pour diffusion. L’acte original avec la mention des adresses est conservé par le greffier à titre de pièce justificative non diffusable sauf aux personnes et administrations autorisées. Ainsi, lors de la délivrance d’un extrait Kbis, l’adresse personnelle de la personne physique qui a sollicité l’occultation ne figure pas sur l’extrait délivré au public.
Bon à savoir : Si l’adresse personnelle est masquée dans ces documents, l’adresse professionnelle demeure visible.
De nombreuses exceptions dans l’intérêt de la lutte contre la fraude et le blanchiment
Dans le cadre de la lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent (LCB-FT) et afin de garantir les droits des tiers, certaines professions réglementées et certains corps administratifs continuent d’avoir accès aux adresses personnelles des dirigeants à des fins légales et réglementaires.
Il s’agit des :
- autorités judiciaires,
- personnels de la cellule de renseignement financier nationale (Tracfin),
- agents de l’administration des douanes,
- agents de l’administration des finances publiques chargés du contrôle et du recouvrement en matière fiscale,
- officiers de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie nationale ;
- autorités, administrations, personnes morales et professions mentionnées à l’article R123-318 du Code de commerce à l’exception réseaux des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et de l’artisanat et des chambres d’agriculture,
- présidents des chambres de métiers et d’artisanat et les caisses départementales et pluridépartementales de mutualité sociale agricole pour les entreprises relevant de leurs compétences,
- personnels de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales désignée par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Ces informations non occultées peuvent également être délivrées aux représentants légaux de la société, à ses associés et aux créanciers des personnes physiques concernées. Seule condition pour ces dernières : être en capacité de prouver l’existence de créances nées à l’occasion de l’exercice par ces personnes physiques de leur mandat social.
Et demain ?
Les dirigeants sont très sensibles à ce sujet et les entreprises se sont très rapidement emparées de cette nouvelle réforme. Nos relations privilégiées avec les différents greffes nous permettent de répondre efficacement à un afflux de demandes d’occultation. Dans l’avenir, des évolutions sont à prévoir, la réforme étant pour l’heure incomplète. En effet, les annonces légales continuent de faire figurer les adresses des dirigeants alors même qu’elles sont largement relayées dans les bases de données figurant sur Internet. Elles pourraient donc entrer dans le périmètre du dispositif d’occultation. Nous ne manquerons pas de vous en ternir informé.
[1] Décret n° 2025-840 du 22 août 2025 relatif à la protection des informations relatives au domicile de certaines personnes physiques mentionnées au registre du commerce et des sociétés, JORF n° 0196 du 24 août 2025.