Retour au menu
Annonces
Publié le 31 mars 2025

Régime des nullités en droit des sociétés : que dit la réforme ?

L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 réforme en profondeur le régime des nullités en droit des sociétés.

Le régime actuel est complexe, avec deux séries de dispositions au sein du code civil et du code de commerce, ce qui est source de redondance et de confusion.

Par ailleurs, la mise en œuvre des dispositions comporte des incertitudes et des risques. La nullité d’une décision irrégulière peut entraîner des conséquences négatives pour la société et les parties prenantes, notamment la nullité en cascade des décisions découlant de la décision annulée ou la remise en cause d’opérations déjà réalisées (augmentation de capital, fusion…).

De plus, le dispositif actuel n’est pas conforme aux directives européennes.

Le premier objectif de la réforme est le renforcement de la sécurité juridique en délimitant les risques de nullité et les conséquences de la nullité.

Le second objectif poursuivi est la simplification et la clarification des nullités en droit des sociétés.

Les dispositions de la réforme entrent en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2025, à l’exception de la disposition relative à la désignation de l’auditeur de la durabilité qui rentrera en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2027.


I. Règles s’appliquant à toutes les formes de société

Modification du champ d’application du régime de nullité

Les règles à vocation générale en matière de nullité sont désormais regroupées dans le code civil et celles qui se trouvaient dans le code de commerce sont abrogées. En conséquence, le régime de nullité est étendu à toutes les formes sociales.

Par ailleurs, la notion de « décision sociale » se substitue à celle « d’actes ou de délibérations de la société ». Le dispositif de nullités s’applique exclusivement aux actes décisionnels de la société (assemblées générales, conseil d’administration…). En sont exclues notamment les conventions avec les tiers qui relèvent du droit des contrats.


Causes de nullité précisées

L’ordonnance revoit et précise les causes de nullité.

Les causes de nullité des sociétés sont réduites à l’incapacité de tous les fondateurs et à la violation des dispositions fixant un nombre minimal de deux associés.

La nullité des décisions sociales ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés ou de l’une des causes de nullité des contrats en général.

La nullité de l’apport ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés ou de l’une des causes de nullité des contrats en général.

La violation des statuts ne constitue pas, sauf si la loi en dispose autrement, une cause de nullité.

Toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du droit des sociétés, dont la violation n’est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite.


Contrôle du juge renforcé et délai de prescription réduit

Le contrôle du juge sur les nullités des décisions sociales est renforcé.

Le juge prononce la nullité si trois conditions sont remplies :

1/ Le demandeur justifie d’un grief résultant d’une atteinte à l’intérêt protégé par la règle dont la violation est invoquée ;
2/ L’irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision ;
3/ Les conséquences de la nullité pour l’intérêt social ne sont pas excessives, au jour de la décision la prononçant, au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée.

Par ailleurs, le délai de prescription des actions en nullité de la société, des décisions sociales ou de l’apport est réduit de trois à deux ans.


Effets de la nullité précisés

L’ordonnance précise les effets de la nullité.

La nullité de la société entraîne sa mise en liquidation ou en cas d’associé unique personne morale sa dissolution sans liquidation par transmission universelle du patrimoine.

La nullité de l’apport entraîne l’annulation des parts sociales ou des actions émises en contrepartie. La nullité de tous les apports entraîne la dissolution de la société.

La nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou d’un membre d’un organe de la société n’entraîne pas la nullité des décisions prises par celui-ci.


II. Dispositions en matière de nullité applicables aux sociétés commerciales

L’ordonnance revoit les règles de nullité dans le code de commerce, applicables aux sociétés commerciales.


Nullité de la nomination des organes de sociétés anonymes

Les nominations et le maintien dans les fonctions au sein du conseil d’administration et de conseil de surveillance de société anonyme doivent respecter des règles prévues dans le code de commerce.

L’ordonnance distingue les cas où la sanction de la violation des règles est la nullité et ceux où la sanction est la possibilité d’une action en nullité auprès du juge.

La violation de certaines règles entraîne la nullité de la nomination ou la démission d’office en cas de maintien irrégulier, notamment les règles suivantes : compétence de l’assemblée générale, équilibre entre les hommes et les femmes au sein des SA, nomination d’un représentant permanent d’une personne morale, cumul d’un mandat d’administrateur et d’un contrat de travail, rémunération des administrateurs, président du conseil d‘administration, président du conseil de surveillance et membre du directoire qui doivent être une personne physique…

Lorsque la nullité est prévue, la possibilité de l’action en nullité auprès du juge est écartée.

Pour la violation d’autres règles, l’ordonnance ne prévoit pas la nullité mais la possibilité d’une action en nullité auprès du juge, notamment les règles suivantes : dépassement de la limite d’âge des administrateurs, des membres du conseil de surveillance et des membres du directoire, administrateur représentant le personnel…

Des dispositions similaires sont prévues pour les dirigeants et les associés commandités de sociétés en commandites par actions.

Les dispositions relatives aux organes des SA ne sont pas applicables à la société par actions simplifiée.


Nullité des assemblées générales des sociétés par actions

En cas violation des règles prévues par le code de commerce applicables aux assemblées générales, l’assemblée n’est pas nulle mais elle peut être annulée par le juge.

Il s’agit notamment des règles en matière de convocation, de quorum, de compétence et de communication des documents aux actionnaires.

Par exception, la violation des règles en matière changement de nationalité de la société est sanctionnée par la nullité de l’assemblée.


Nullité des transformations

Si la transformation est décidée en violation de certaines obligations, elle peut être annulée, sur décision du juge :

      • Pour la transformation de société à responsabilité limitée en société anonyme : décision prise à la majorité requise pour la modification des statuts et établissement d’un rapport du commissaire aux comptes sur la situation de la société. En revanche, la sanction reste la nullité pour l’obligation de l’unanimité en cas de transformation en SNC ou société en commandite.

      • Pour la transformation en société par actions : approbation expresse des associés de l’évaluation des biens et de l’octroi des avantages particuliers.

    Nullité des augmentations de capital

    Pour éviter les conséquences négatives et l’insécurité juridique de la nullité, l’ordonnance a prévu un délai de prescription spécifique pour l’action en nullité d’une augmentation de capital :

        • En cas de délégation de compétences au conseil d’administration ou au directoire : trois mois à compter de la date de l’assemblée générale au cours de laquelle le rapport sur les conditions définitives de l’opération est porté à la connaissance des actionnaires.

        • Dans les autres cas : trois mois à compter de la date à laquelle la décision dont la régularité est contestée a été prise.

      Nullité des fusions

      La nullité d’une opération de fusion ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l’une des assemblées qui ont décidé l’opération ou du défaut de dépôt de la déclaration de conformité.

      L’ordonnance a prévu un délai de prescription spécifique pour l’action en nullité d’une fusion : six mois à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et des sociétés rendue nécessaire par l’opération.

      Nullité des décisions prises en violation des statuts de la SAS

      La règle générale posée par l’ordonnance est que la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité.

      Toutefois, l’ordonnance prévoit une disposition particulière à la société par actions simplifiée : les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu’ils ont établies. 

      Ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés